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jeudi 19 août 2010

Escapade périgourdine

Cathédrale Saint-Front de Périgueux



Avant tout, histoire de nous mettre en jambes, un petit détour hagiographique... Quid de saint Front ?
Notre connaissance du saint s'appuie sur plusieurs Vitae (la vita étant un récit biographique à forte tendance apologétique) qui furent rédigées entre le VIIIe et le XIIe siècle et cherchent pour la plupart à asseoir la primauté de saint Front sur saint Martial dans l'introduction de la foi chrétienne en pays aquitain

Saint Front, ou Frontus, apôtre du Périgord et compagnon de saint Georges de Velay, aurait été le premier évêque de Périgueux. La tradition voulait, originellement, que leur mission d'évangélisation leurs fut confiée par saint Pierre en personne ou du moins par des disciples du Christ. Il apparaît aujourd'hui que saint Front aurait vécu dans la seconde moitié du IVe siècle. Joies et bonheurs des textes apocryphes... Apparemment la "légende de saint Front" serait le fruit de la fusion  des vitae de l'ermite saint Front, né en Périgord, et de saint Fronton de Nitrie (Egypte) ... Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
l'évêque Chronope
Vitrail XIXe
Cathédrale Saint-Front
Notre saint Front se serait donc installé dans une grotte de la colline du Puy qui domine Vésone, l'antique Périgueux. Sa réputation de saint homme se propage et l'on raconte qu'il aurait libéré la région de la menace d'un monstrueux serpent, la Coulobre, qui dévorait les animaux et les hommes. Saint Front l'aurait arrêté du signe de la croix et précipité dans la Dordogne. Ceci étant établi, son principal attribut iconographique devint le dragon et sa protection est traditionnellement invoquée contre les serpents.
Progressivement, l'ermite regroupe autour de lui plusieurs disciples et fonde un oratoire dédié à la sainte Vierge où il choisit de se faire ensevelir.



Plan de la cathédrale Saint-Front
Le culte de saint Front n'est attesté dans la région de Périgueux qu'à partir du VIe siècle, date à laquelle l'évêque Chronope II fait bâtir une nouvelle église dédiée au saint dont les reliques sont transférées dans la crypte placée, oh surprise, sous le choeur. 
La "vieille église" se composent de deux constructions différentes, l'une datée de l'époque mérovingienne (l'actuel parvis), l'autre de l'époque carolingienne. La façade primitive fut remplacée au XIIe siècle par un portail en contre-bas, s'ouvrant sous un arc brisé et non plus en plein cintre. L'édifice, aujourd'hui à ciel ouvert, se composait d'une nef unique couvert d'une simple charpente. Les quatre grosses piles d'angle étaient destinées à recevoir une coupole qui n'a jamais été construite.

Chapelle funéraire aménagée
au XVIe siècle dans le mur sud-est
 de l'église mérovingienne
Eglise mérovingienne.
Vue Est
Portail XIIe siècle


A l'est, succédait à cet ancien bâtiment, l'église carolingienne, de plan basilical, qui se situait sous l'actuel clocher. La nef, contrairement aux collatéraux,  n'était pas voûtées et le choeur s'ouvrait sur la crypte de saint Front, aujourd'hui disparue. Deux coupoles couvrent à présent ce que fut cette église carolingienne.

En pénétrant plus avant dans l'édifice, on découvre, au nord et au sud de l'église à coupole actuelle, deux chapelles latérales, communément appelées confessions, dont on ignore la fonction précise. La confession nord daterait probablement du VIIIe siècle tandis que celle du sud remonterait au IXe siècle.


Ce que l'on nomme aujourd'hui "vieille église" ou église latine ne sera consacrée qu'en 1047. Il s'agit alors d'une construction de style roman dont le clocher droit fut conservé lors des restaurations du XIXe. S'élevant à 62m, ce clocher de section carrée est d'une conception originale et comprend quatre niveaux en retrait.


Détruite par un incendie en 1120, l'église est reconstruite sur un plan en croix grecque voûtée de cinq coupoles. Partageant le choeur de l'église primitive, elle n'est donc pas orientée mais occidentée
Plus tard, on transfère le tombe du saint patron à l'est ; les reliques quittent ainsi la crypte pour rejoindre le sanctuaire supérieur. 

L'utilisation de la coupole n'est pas rare alors dans la région du Sud-Ouest (Saint-Etienne de Cahors, Sainte-Marie de Souillac, etc.) mais la particularité de Saint-Front réside dans l'agencement irrégulier de ses coupoles, de formes et de hauteurs distinctes, et sommées de clochetons. 

Elles furent toutes refaites sur le même modèle au siècle dernier. Les grands arcs sont aujourd'hui en plein cintre alors qu'ils étaient sans doute brisés ; quant aux piles de support, elles présentent une section de 6m sur 6m et sont percées de passages en équerre. Les arcs épousent habilement l'arrondi des pendentifs qui permettent de passer du carré de la base au cercle de la calotte. Chacune de ces calottes présente un diamètre de 13m et est allégée par quatre baies en plein cintre.


L'abside en hémicycle a remplacé une chapelle gothique du XIVe, dédiée à saint Antoine. Voûtée d'un cul-de-four, elle est scandée de pilastres cannelés surmontés de colonnettes jumelées portant des arcs de revêtement.


 
Centrée sur le tabernacle et son grand retable du XVIIe siècle, elle sert aujourd'hui de chapelle du Saint-Sacrement, le choeur ayant été transféré sous la coupole centrale en 1968. Ce retable baroque provient du collège des jésuites et représente, croyez-moi sur parole (bois sur bois, c'est pas vraiment évident) une Assomption de la Vierge, encadrée par une Annonciation. Au sommet, le Christ assisté de deux anges tient la couronne qu'il va poser sur la tête de sa mère.


Le maître-autel, présenté aujourd'hui sous la coupole centrale, est dû à l'artiste Yves-Marie Froidevaux, architecte en chef des monuments historiques qui réalisa de nombreuses restauration de constructions médiévales. 


L'ancien maître-autel, daté du XVIIIe siècle, est actuellement présenté dans l'absidiole sud, en partie ancienne. 

L'église n'acquiert son titre de cathédrale qu'en 1669. De 1852 à 1895, elle fera l'objet d'une grande opération de restauration menée par Paul Abadie, architecte qui sera sélectionné pour la construction du Sacré-Coeur à Paris. Il s'agit alors d'une véritable oeuvre de reconstruction, la plupart des coupoles s'étant effondrées et ayant été recouvertes d'un grand toit d'ardoise au XVIIIe siècle. 
Toutes les irrégularités et dissymétries propres à l'édifice ont été rectifiées ou gommées. La quasi totalité des sculptures a été refaite et de nombreux reliefs ont été déposés dans le cloître ou au musée du Périgord. Abadie ajouta une porte au nord, dite porte du Greffe, ainsi que l'abside centrale. Il agrémente également chaque coupole et pile d'angle d'un clocheton cupiliforme posé sur des colonnettes. 


Saint-Front ne possède de trésor, les guerres des religion ayant plusieurs fois dévasté l'église. Cependant on pourra admirer les stalles du XVIIe siècle, la chaire, les lustres dessinés par Abadie lui-même qui servir à Notre-Dame de Paris lors du mariage de Napoléon III.
La chapelle sud du clocher, dite chapelle de l'ange gardien, abrite deux primitifs du XVe siècle peints sur bois figurant saint Benoît et saint Bernard.

Avant de sortir, je vous conseille en outre un petit détour par la confession nord, dédiée à saint Jacques.


La cathédrale fut classée au monuments historiques en 1840 puis au patrimoine mondial en 1998, au titre des chemins de saint jacques de compostelle en France.

En guise de conclusion, un seul regret, celui de ne pas avoir pu visiter le cloître attenant à la partie sud de la vieille église... Une nouvelle escapade s'impose !

1 commentaire:

  1. Magnifique utilisation des images!
    Dès l'intro le ton du "papier" est donné et se revèle vraiment agréable à lire !
    Construit,carré,concis et super bien illustré :que demander de plus ???

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