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lundi 20 juillet 2015

Un, deux, trois, nous irons au bois...

Drapez-vous dans votre toga pura, tressez quelques géranium cueillis à nos balcons et courez, courez sur les petits sentiers de nos forêts ancestrales à la rencontre de l'énergie sylvestre. Car oui, mes amis, le temps de la célébration est venu. Une célébration tout droit sortie du paganisme antique, en particulier romain (bien qu'en la matière, il soit nettement teinté de traditions celtiques...).
Figurez-vous que depuis hier, dimanche 19 juillet, et jusqu'à demain, mardi 21 juillet, nous sommes en droit, pour notre bon plaisir, de célébrer les Lucaria, fêtes et jours fériés du calendrier de la Rome antique dédiés aux bosquets et aux espaces forestiers ; le terme lui-même étant formé à partir du mot lucus signifiant originellement "clairière dans un bois" et par extension "bois sacré".
Malheureusement, les auteurs latins ne nous ont transmis que très peu d'informations sur les principes et fonctionnements des ses célébrations. Il semble cependant qu'elles aient eu à l'origine pour fonction de commémorer la défaite de la bataille de l'Allia, datée de 390 (387 ?) av. JC. Les Gaulois (des Sénons, en l'occurrence), emmenés par leur célèbre chef Brennus, pénètrent en Italie et mettent une dérouillée d'enfer aux Romains, aux abords du fleuve Allia, avant de marcher sur Rome. 


(Les Gaulois) En vue de Rome, Evariste-Vital Luminais
Huile sur toile - 1870
Musée des Beaux-Arts de Nancy
La Ville est abandonnée au pillage et la population se réfugie sur la citadelle du Capitole (voir les épisodes des Oies du Capitole et de l'épée de Brennus... et oui, tout est lié mais là, on s’éloignerait un peu du sujet initial)Autant dire que l'événement laissa un goût amer aux Romains qui n'aiment pas bien que des barbares viennent piétiner leur plates bandes... Le jour fut déclaré néfaste, c'est-à-dire férié, et s'accompagnait de réjouissances publiques : une commémoration semble, en effet, avoir été instituée que l'on célébrait dans une vaste clairière située non loin du champ de bataille.
Le Bois sacré, Arnold Böcklin
Huile sur toile - 1882
Kunstmuseum, Öffentliche Kunstsammlung, Basle, Allemagne

Dans Fêtes romaines d'été et d'automne, suivi de Dix questions romaines, Dumézil explique que les Lucaria seraient davantage, et comme bien d'autres festivités, des pratiques religieuses saisonnières, liées en l'occurrence au temps des travaux d'essartage. Celui-ci consiste à éclaircir les bois pour y créer des clairières, donc des terres cultivables, et doit être effectué pendant la lune décroissante de juillet. L'auteur précise que les célébrations, et les sacrifices qui les accompagnaient, se déroulaient sur deux journées impaires, séparée par un intervalle d'une journée paire. Ces deux fêtes correspondraient aux deux techniques utilisées alors pour l'essartage : le rasage des arbres au pied et le déracinage, chaque technique exigeant certains rituels. Il s'agirait donc de fêtes du travail rural ayant pour fonction d'encadrer l'organisation du labeur des paysans, tout comme les Furrinalia, qui accompagnaient le forages de puits, ou les Volcania qui visaient à prévenir les incendies.
Hamadryade,
John William Waterhouse
Huile sur toile - 1895
Plymouth City Museum and Art Gallery
Les Lucaria en tant qu'elles accompagnent des travaux d'exploitation des forêts ont une dimension profane et économique. Mais elles n'en demeurent pas moins des célébrations sacrées destinées à la vénération d'une divinité. Car tout le problème vient de ce que, à Rome, le monde n'est pas encore désenchanté et "personne n'était jamais sûr que le bois qu'il rencontrait n'abritait pas ce que nous appellerions des esprits" (Dumézil, op. cit.). La clairière, au sens propre, est ici un espace déboisé par l'homme et donc une appropriation du sol ; sa création suppose donc quelque révérence à l'égard des esprits des bois, qu'i(s)l soit identifié(s) ou pas. Car, comme le dit si bien Dumézil, le déboisage ou "toute atteinte au séjour des dieux inconnus" entraîne de nécessaires "risques religieux".
Dans le De rustica (139,140), Caton précise ainsi quel type de prière doit accompagner le sacrifice expiatoire du porc auquel doit procéder le bûcheron avant d'entamer le bois : "Qui que tu sois, dieu ou déesse, toi à qui ce lieu est consacré, qu'il soit suffisant qu'on sacrifie un porc en offrande expiatoire, en vue de faire violence à ce lieu consacré." Simples mesures de précaution, ces pratiques religieuses tombèrent probablement en désuétude à force de progression de l'espace civilisé sur le monde sauvage. En effet, si dans les temps primitifs, le déboisement était la condition sine qua non de l'installation et du développement des populations du Latium, celui-ci ne présenta plus par la suite qu'un simple attrait économique : l'extension du domaine cultivable des villa
Et c'est ainsi que des rites ancestraux, liés au monde agricole, se sont chargés a posteriori d'une symbolique politique (au sens large) tout autre : la commémoration de la bataille de l'Allia au cours de laquelle les troupes fuyant l'ennemi trouvèrent refuge dans les bois et donc bénéficièrent de l'hospitalité des esprits sylvestres. La boucle est bouclée, et la proverbiale densité de le religion romaine une fois de plus démontrée. CQFD.

samedi 18 juillet 2015

Firestarter. Rome, 18 juillet 64.

Portrait de l'empereur Néron
Gravure sur cuivre - 1638
Rubens / Paulus Pontius
Österreichische Nationalbibliothek
Et l'homme du jour est... l'inénarrable empereur Néron (54 à 68 ap.JC). Neveu de Caligula et orphelin de père à trois ans, il fut poussé au pouvoir par sa mère, la délicieuse Agrippine, qui "joignait à une grande beauté l'esprit le plus artificieux, les moeurs les plus dissolues et une froide cruauté". A force de machinations et d'empoisonnements, elle parvient à éliminer son second époux, l'empereur Claude, ainsi que Britannicus, l'héritier naturel.

Autant dire que le petit Néron avait de qui tenir et qu'une fois parvenu au pouvoir, il s'en donna à cœur joie. Il sut combler jusqu'à plus soif ses désirs (et nécessités) de vengeance ainsi que son goût immodéré du luxe, ainsi qu'une nette tendance à la cruauté gratuite. Mais la biographie de notre joyeux tyran, à la popularité pourtant bien établie, n'est pas ici notre propos... Pour en apprendre davantage sur l'homme et ses actes de bravoures (ou pas) je vous conseille, notamment, la lecture de cette page

Non, le véritable sujet de cet article est une commémoration. Celle d'un bien triste événement ma foi, puisqu'il fit des milliers de victimes et qu'il dévasta une grande partie de la Ville Éternelle, je veux bien sûr parler du célèbre incendie de Rome, qui démarra au jour du 18 juillet 64 ap. JC pour ne s'achever que six jours plus tard. Si l'épicentre de l'incendie se situe apparemment dans une petite boutique du mont Palatin, le vent a tôt fait de répandre et de gonfler les flammes qui rongent près d'un tiers de la ville sous les hurlements incessants des fuyards (voir la description de l'événement faite par Tacite dans les Annales). [Autant vous dire que niveau canicule, nos températures actuelles c'est de la rigolade à côté de ce gigantesque barbecue antique].

L'incendie de Rome, Hubert Robert (1733-1808)
Vers 1770 - 1790
Huile sur toile - 75,5 x 93 cm
© MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Rome ne s'est pas (re)faite en un jour. Palais, bâtiments publics, monuments en tous genres et insulae furent progressivement reconstruis. Néron profita de l'occasion/eu l'opportunité de/se dit que finalement c'était peut-être une bonne idée de se faire construire une nouvelle résidence, la Maison Dorée ou Domus Aurea, dont les vestiges ne furent redécouverts qu'au début du XXe siècle.
Pour une présentation plus approfondie de la Domus Aurea, je vous conseille le visionnage de ce documentaire (en italien) présentant une reconstitution en 3D du bâtiment : 


Je vous invite également à parcourir le site Web consacré au chantier de restauration du palais : 


Mais l'histoire ne s'arrête pas à ces considérations architecturales et urbanistiques... non, non, non. Car pendant qu'on empile moellons et mortiers, l'opinion publique marmonne... et réclame que des têtes tombent (déjà) en dédommagement du cataclysme urbain. 
Sa réputation le précédent, l'empereur Néron est rapidement pointé du doigt, d'aucun jugeant qu'il aurait intentionnellement déclenché l'incendie : caprice architectural, nettoyage par le vide, sadisme ou ennui profond, les raisons d'une telle trahison ne manquent pas à qui souhaite en trouver. Les théories du complot, après tout, ça ne date pas de Roswell. De nombreux auteurs, tels que Pline l'Ancien ou plus tard Tacite et Suétone, semblent eux aussi convaincus de cette théorie : Néron ayant notamment voulu se venger de la plèbe pour avoir pris parti pour Octavie contre Poppée (épouses successives de l'empereur... mais c'est une autre histoire...) 
Mesurant l'ampleur de l'hostilité populaire, Néron laisse accuser les chrétiens, boucs émissaires naturels, fraîchement établis et proliférant au sein de l'Empire, en particulier dans Rome. Le principal tort de la communauté, et de la religion qui la fonde, étant cette vilaine tendance à vouloir convertir des païens à tours de bras. Et détourner les citoyens du culte officiel n'est jamais vu d'un très bon œil chez les romains. 
Il faut dire également que quelques antécédents malheureux jouaient en leur défaveur : une émeute, accompagnée d'une tentative d'incendie, menée quelques années plus tôt, en 57 par une poignée de judéo-chrétiens ainsi qu'une seconde, éclatée en 62, dans le contexte de la répudiation d'Octavie... Notons également que l'Apocalyspe de saint Jean, rédigé quelques années plus tôt, prédisait la destruction par le feu de la ville aux sept collines... Bref, fauteurs de troubles, exaltés, oiseaux de mauvais augure et incendiaires, les chrétiens méritaient bien une petite vague de persécution, en guise d'avertissement, voire d'éradication si possible. 

Dernières prières des martyrs chrétiens, Jean-Léon Gérôme
1883
Walters Art Museum, Baltimore

Les arrestations se multiplièrent et avec elles les modes de châtiments : certains furent crucifiés ou jetés aux bêtes dans l'arène, d'autres subirent la mise à mort thématique de l'incendiaire et furent brûlés vifs
Enfin, pour l'anecdote, et contrairement à ce que retient la tradition chrétienne, les martyrs des saints Pierre et Paul ne seraient pas directement liés à cette vague de représailles au lendemain du Grand Incendie. Les persécutions de chrétiens au sein de l'Empire allant bon train déjà depuis quelques temps et ce jusqu'à l'adoption du christianisme comme religion officielle de l'Empire en 313 par Constantin. 

vendredi 17 juillet 2015

HBDay Hippolyte ! Ou du genre historique qui sied à mon coeur...

Aujourd'hui, à découvrir sur le compte Pinterest du blog Anywhere out of the World, une petite sélection de peintures et de dessins par Paul Delaroche (de son vrai nom Hippolyte de La Roche), né le 17 juillet 1797
Cet artiste à succès et fort influent du XIXe siècle est malheureusement peu valorisé de nos jours [ndlr...], alors je profite de ce jour anniversaire pour rendre hommage à l'auteur de cet incontournable tableau intitulé La Jeune Martyre, ou de la variation christique sur le thème de la mort d'Ophélie, dans un style proche des préraphaélites.

La Jeune Martyre - 1855. Cons. Musée du Louvre, Paris

Peintre spécialisé dans le genre historique, ses oeuvres s'apparentent tantôt au romantisme par leur théâtralité, tantôt au classicisme par la primauté accordée au dessin, entre autres... Le réalisme et la précision de ces scènes ou "anecdoctes" historiques fascinent tout autant que le caractère dramatique de ses compositions.

Pour découvrir le tableau, cliquez sur l'image ci-dessous : 

 Paul Delaroche - Tableau Pinterest


Enjoy !