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mercredi 1 septembre 2010

Les lanternes des morts

La lanterne des morts de Sarlat (Dordogne)

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Lors de mon escapade en Périgord noir, je suis tombée nez-à-nez avec un monument étrange... une haute tour de forme cylindrique placée en surplomb de la cathédrale Saint-Sacerdos de Sarlat, à quelques mètres du chevet. 

Intriguée, je monte quatre à quatre le chemin pavé qui y menait, passe la porte percée dans le mur de l'ancien cimetière et découvre un panneau indiquant :

"Lanterne des morts. Construite au milieu du cimetière bénédictin, son architecture est unique en France, liée à la liturgie de l'abbaye romane." Oui, certes mais tout cela ne me renseigne pas vraiment sur la finalité de la chose. 
 
Lanterne des morts, Sarlat-la-Canéda
dite "Tour Saint-Bernard"
XIIe siècle
Quelques recherches plus loin, j'en sais un peu plus sur les fonctions et l'origine de ces bâtiments construits pour la plupart au XIIe siècle, donc dans un style roman, et que l'on retrouve essentiellement dans le sud-ouest de la France. Ces édifices maçonnés se présentent comme des tours creuses, de formes diverses, sommées d'un pavillon ajouré doté d'au moins trois ouvertures. À la base, une petite porte donne accès à un vide ménagé à l’intérieur, espace qui peut accueillir un escalier ou, plus souvent, quelques encoches latérales permettant l’ascension d’un homme.
   Lanterne des morts, Cellefrouin (Charente)
XIIe siècle

Lanterne des morts, Culhat (Puy-de-Dôme)
XIIe siècle

Tour-lanterne de Sarlat, vue intérieure de la voûte
Crédit : Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine
Au crépuscule, un système de poulies permettait d'y hisser une lampe allumée qui devait guider les âmes des défunts vers le repos éternel, raison pour laquelle ils sont érigés aux abords des cimetières.

Une tradition celte voudrait également que la lumière ait une fonction protectrice en retenant la mort pour l'empêcher de s'abattre sur les vivants. Dès le XIXe siècle, Eugène Viollet-le-Duc recherche une filiation entre les lanternes des morts et les menhirs. Cette hypothèse repose sur l'idée selon laquelle le Limousin et le Poitou auraient respectivement été évangélisés par des moines irlandais et des Pictes.

Enfin, la cartographie des tours conservées laisse à penser que ces fanaux jalonnaient les grandes axes du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle.

La tour-lanterne de Sarlat se dressait donc dans le cimetière de l'abbaye bénédictine d'origine carolingienne autour de laquelle s'est développée la cité médiévale. Dédiée au Sauveur et à saint Sacerdos, l'abbaye se dote ici d'un édifice évoquant probablement la tour de la Résurrection du Saint-Sépulcre de Jérusalem.

L'utilisation de la lumière dans un contexte funéraire relève d'une tradition ancienne qui se poursuit tout au long de l'époque romane. Elle trouve ses racines chrétiennes dans les textes bibliques qui font de la lumière, création divine, une préfiguration du royaume céleste mais également une manifestation du Christ, protecteur des âmes. Ces thèmes eschatologiques sont récurrents dans la liturgie funéraire romane et notamment dans de nombreuses oraisons funèbres : "Je leur donnerai le repos de l’éternité, car il est proche, celui qui viendra à la fin du monde. Soyez prêts (parate esto) aux récompenses du royaume, car la lumière perpétuelle luira sur vous durant l’éternité des temps (IV Esdr. 2, 34)". 

L'abbaye dans un bois de chêne, David Caspar Friedrich
1809-1810
Nationalgalerie, Berlin
La lumière est également un élément fondamental de protection contre l'angoisse de la mort, les mystères de l'au-delà et les dangers du cimetière. Lieu intermédiaire entre le monde terrestre et le Purgatoire, le cimetière est une frontière dangereuse, un lieu propice aux manifestations surnaturelles de tous ordres. On notera que c'est autour des XIe et XIIe siècles que vont véritablement se développer les récits sur les revenants, tantôt bienveillants, tantôt menaçants. 


3 commentaires:

  1. Alors on n'a pas pû résister à mettre un petit Friedrich ? ....par ailleurs captivant!
    Mais pour en revenir aux lanternes:je viens d'apprendre plein de trucs !!!l'idée d'une lumière pour guider les âmes est très romantique...mais bizarrement ,je leur trouve une forme Khmère ....pardon,Violet Leduc !!!

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  2. Non mais en fait les copains de Viollet pensaient qu'il pouvait également il y avoir des influences orientales, niveau minarets quoi... mais pas jusqu'au Cambodge cela dit...

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  3. et ils la louent pour des séjours plus ou moins longs, ta lanterne? non pcq si je peux pas avoir de phare...
    blague à part, Lucifer règne sur les morts et il est le "porteur de lumière". Et plus fun, la légende de Jack o'lantern dans le folkore irlando-ecossais, c'est aussi un type qui guide les âmes errantes à l'aide d'un lumignon abrité dans un légume creusé (citrouille ou navet... va-t-en creuser un navet, cela dit). les feux de Saimain idem. syncrétisme, quand tu nous tiens...
    cela dit, me demande aussi si, vu que le feu, comme l'eau et le sang, sont des principes de purification ds la religion chrétienne du moins, il n'y a pas aussi cette notion dans le fait d'allumer des feux et des loupiotes à tout bout de champ.

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